Substance autre



*Les mots en italique sont tirés du Journal de Marie Uguay.

Je me sens devenir une pierre, bizarre, solitaire et repliée, bien qu’extérieurement exubérante.

Marie Uguay
Sentiment latent de petitesse. La beauté en moi est révoltée. 
Sacré de mes os, je m’excuse ; matière, je t’aime. 

Existerai-je un jour, hors du regard, loin de cet exhibitionnisme qui m’exile hors de moi? L'horizontal tout autour m’écrase et m’avale. Montagne de signifiance où te dresses-tu? Comment t’atteindre alors que limace je rampe? Il me faut l’évolution du corps, me tenir enfin debout, seule, épouvantée, déchirée de la terre. Terrifiante solitude animale du corps. Terrifiante fragilité de la cage vitale. Terrifiante idée que de tomber — face première — sur mon désir.

Beauté et révérence...
Pulsations multicolores du cœur... 

Que c’est dommage.

Quelque chose s’effrite dans une baignoire. Peut-être est-ce la baignoire elle-même, peut-être est-ce ce qui y réside silencieux. 

Féroce désir et folie ancienne, vous me tenez sur le fil funambule de la lucidité. J’aimerais ressembler un peu plus au foulard noble de l’océan. Les forêts me reviennent par chatouillements vagues. Je me souviens par moments de la musique mosaïque du monde. Spirale dans l’espace. Coton d’un amour soleil. Inlassable désir, infatigable appétit… Ma chasse était une danse. J’étais le singe qui s’était levé pour célébrer la vie du haut de son vertige. J’ai ris amoureuse avec l’hyène. J’ai porté la beauté éclatante des ventres sans leur verbe. 

Mais la mémoire est un couteau
planté dans le regard du merveilleux


Femme sans sommeil
Et sa tristesse pétrolière
Femme brillante faite de trous
Femme brillante combustible 
Femme brillante nue sur son tapis 
Incapable d’aimer 
Ce qui la demande complète
 

Chanter la vie dans ses moindres subtilités, mais pour cela il faut que le corps se réveille, qu’il prenne son temps mais qu’il se réveille.

Marie Uguay
 


Substance hôte, substance autre
Je suis mon propre corps étranger

Tourbillon dans la tête désenchantée. Une drogue se promène dans mon sang. Elle électrifie tout sur son passage. Mes muscles sont tendus dans un accident perpétuel ; mes organes, transpercés, transperçables. Je transpire dans mes organes. Je croque mes propres dents, je pulvérise. Je ne dors pas, je repose dans ma propre poussière, c’est presque un jeu. Fille première, matière première. Le sentiment s’échappe enfant, il ne laisse rien sur son passage. Ça ne m’amuse plus de pendre vide dans un vide. J’ai le corps fermé occupé avec lui-même. Ce qu’il a absorbé déborde de sa cage, ce qu’il a absorbé pourrit dans les recoins, ce qu’il a absorbé tue par inondation. 

Important : concevoir désormais 
une grand tendresse pour mon corps 

Si les cellules n'ont pas de mémoire, pourquoi la cicatrice ? Les organes refusés, il n’y a pas de mots pour les décrire. Ils descendent un peu plus en moi. Je suis seule, fauteuil de trop. J’existe seulement dans l’exigu du poumon. Le chemin que j’ai à faire effondre mon vertèbre. Mais je continue. La survie, cet acte d’amour...



Douceur absolue de la lumière absolue
Je te cherche dans un passé qui s’accumule
Pour toi j’aurais aimé être autre chose que le gouffre
J’aurais aimé me remplir jusqu’à la douleur
De tendresses et d'enchantements 

J’apprendrai à mordre dans l’existence 
Sans dents s'il le faut et sans pudeur
Immédiate continuellement 

J’appartiendrai à ce qui danse 
Certain d’une beauté initiale.



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